Karin FOSSUM : Inspecteur Sejer et Skarre – 02 – Ne te retourne pas !

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Présentation Éditeur

Dans un petit village de Norvège, une fillette de six ans disparaît quelques heures. À son retour, elle révèle que, près d’un étang, elle a découvert le cadavre d’une adolescente. Il s’agit d’Annie Holland, sportive appréciée de tous. Son corps nu a été disposé de façon à ce que l’on croie à un viol. Pourquoi cette mise en scène ? Des rumeurs circulent : Annie, depuis quelque temps, avait changé…

Origine Norvège
Titre
Se deg ikke tilbake! (1996)
Éditions Odin
Date 1 octobre 2002
Éditions Points
Date 19 novembre 2003
Traduction Marie Lunde
Pages 336
ISBN 9782020413275
Prix 7,30 €

L'avis de Cathie L.

Karin Fossum est une romancière norvégienne spécialisée dans le roman policier. Elle est née le 6 novembre 1954 à Sandefjord, petite ville située dans le comté du Vestfold, au sud du pays.

« Ne te retourne pas  » est le deuxième roman de la série Konrad Sejer. Il a été couronné, en 1996, par le prix Riverton qui récompense le meilleur roman policier en Norvège. Le style, comme pour le premier roman, est net et précis, presque épuré. Tout au long de l’histoire, on sent comme une ombre planer, quelque chose de sombre, de mauvais, quelque chose qu’on ne peut définir, comme une menace malsaine. Le lecteur suit les tâtonnements de Sejer qui cherche, fouine, sans savoir au juste ce qu’il doit trouver, sinon l’assassin d’Annie. C’est comme si l’histoire était en suspend, un peu comme un film que l’on fait défiler image après image. Ce qui crée une atmosphère lourde, pesante.

D’ailleurs, l’enquête elle-même est lente, laborieuse; il y a très peu d’action. Tout est centré sur le raisonnement de l’enquêteur qui cherche avant tout à comprendre ce qui s’est passé afin de reconstituer les faits. Ainsi, Karin Fossum construit son intrigue autour de la psychologie des personnages: celle du tueur, de la victime, de ses proches, des voisins…dans une sorte de huis-clos étouffant puisque tous les suspects habitent dans la même rue.Ce qui n’exclue pas certains rebondissements, surtout à la fin, qui bouleversent les théories du lecteur.

Dans la petite ville de Lundeby, située à 80 kilomètres d’Oslo, l’inspecteur Sejer est appelée pour enquêter sur la disparition d’une fillette de six ans. Fausse alerte! La petite était partie en promenade non avec un psychopathe mais avec Raymond, un jeune homme un peu attardé mais totalement inoffensif. A leur retour, ils racontent avoir vu une jeune fille dormir au bord du lac. Il s’agit en fait du corps sans vie d’Annie Holland, adolescente de quinze ans, sportive et serviable. Mais qui a pu assassiner cette jeune fille apparemment sans histoire ? Et pour quel motif ? Et pourquoi avoir mis en scène le corps de façon à faire croire à un viol?

La raison d’être des lieux, dans un roman « classique », est avant tout de poser un décor; mais, dans un roman policier, c’est bien plus que cela car il s’agit  de créer une atmosphère afin de plonger le lecteur dans l’ambiance de l’intrigue…comme la musique dans les films fantastiques ou d’épouvante.

Voici comment Karin Fossum décrit Lundeby :

« Le village était blotti au pied de la montagne, au fond de la vallée, tout au bout du fjord qui ressemblait à un étang aux eaux trop calmes (…) Le bourg passait pour le laissé pour compte de la commune. Les routes qui y menaient étaient dans un état déplorable (…) La montagne n’était qu’une colline grise peu appréciée des villageois, mais souvent fréquentée par des gens qui venaient de loin, attirés par ses minéraux rares et sa flore exceptionnelle… » Deux choses importantes sont à noter dans cette description: le vocabulaire négatif « au fond », « tout au bout », « laissé pour compte », « qu’une colline grise » montre le village sous un jour peu reluisant, comme un lieu où personne n’a envie de vivre (les routes dans un état déplorable comme pour décourager tout visiteur extérieur, comme pour enfermer les villageois), dont la médiocrité cache forcément les pires instincts des êtres qui vivent à l’ombre de la grisaille de la montagne.

Malgré ses efforts pour rendre son décor quotidien attrayant, la maison d’Irène Album, mère de la petite Ragnhild, ne peut cacher sa médiocrité :

« Au numéro 5, s’élevait une bâtisse de plain-pied, blanche, avec des chambranles bleu foncé. Pour atténuer son côté préfabriqué, son manque de caractère, on l’avait naïvement transformée en une sorte de maison de poupée avec de jolis volets et une bordure de toit dentelée ; une grande véranda à balustrade sculptée bordait toute la maison, donnant sur un jardin bien entretenu. « Soulignons l’adverbe » naïvement » qui montre que, malgré les efforts des habitants, il est impossible d’échapper à llac-sombre-4a triste insignifiance de leur quotidien.

Mais c’est l’endroit où le cadavre d’Annie a été découvert qui accentue la sensation de lourdeur qui imprègne tout le roman :

« A cet endroit, la forêt était si épaisse qu’ils avançaient dans une semi-obscurité (…) C’est alors qu’ils virent l’eau. Un étang lisse comme un miroir, à peine plus grand qu’une mare, serti entre les sapins comme une chambre secrète. »

Là, le mal rôde….

Par contraste, l’appartement de l’inspecteur Sejer, sous ses apparences de refuge rassurant, donne un sentiment de bien-être, de sécurité :

« Sejer vivait dans le seul immeuble de la ville qui comptât treize étages si bien qu’il paraissait ridicule dans le paysage,dominant les autres habitations (…) Il en arrivait à oublier le style du bâtiment tant son appartement était confortable, avec ses murs ornés de lambris, ses meubles en chêne, anciens et solides, hérités de ses parents, ses livres qui couvraient la majeure partie  des cloisons (…) son appartement était propre et bien rangé, à son image faite d’ordre et de maîtrise de soi. »

A part les enquêteurs, seuls figurent les personnages ayant un lien direct avec l’histoire: les proches et amis de la victime; ceux qui ont vu quelque chose susceptible d’intéresser la police. Comme toujours avec Karin Fossum, c’est la psychologie des personnages qui prime. La personnalité d’Annie, la victime, est bien plus complexe qu’il n’y paraît un premier abord. Le changement radical de son comportement intervenu quelques mois avant son meurtre cache un mystère dans sa vie :

« Je crois qu’elle a un secret (…) quelque chose qui prenait le contrôle de sa vie. Quelque chose qu’elle n’arrivait pas à écarter (…) quelque chose pesait sur Annie. Un véritable fardeau. »

Ce fardeau a-t-il un lien direct avec son assassinat ?

Karin Fossum nous dit, tout au long de son roman, qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Halvor, le petit ami d’Annie, est bien plus que l’être marginal qu’il semble être.

Comme je l’ai dit dans ma présentation, l’enquête se déroule lentement, au rythme des investigations et des interrogatoires menés par Sejer. Pourtant, dès qu’il voit le cadavre, l’inspecteur est intrigué :

 » Elle était allongée sur le côté, en position presque fœtale, les bras ramenés sur la poitrine et les genoux remontés. Le coupe-vent, simplement jeté sur le haut du corps, lui descendait jusqu’au milieu des cuisses. Il était propre et sec contrairement à ses autres vêtements, rassemblés en tas derrière son dos, mouillés et couverts de boue (…) On l’a tout simplement noyée puis débarrassé
e de ses vêtements, bien proprement. Il n’y a pas un seul bouton arraché à sa chemise, toutes les coutures sont intactes. »

Alors qu’il observe attentivement le cadavre allongé devant lui, Sejer analyse :

« Elle est allongée trop proprement. Comme si on l’avait arrangée puis recouverte. Pas de traces de griffures ou d’autres marques, aucun signe de résistance. Même ses cheveux ont l’air arrangés. Les agresseurs sexuels ne font pas ce genre de choses (…) Une scène qui ne relevait pas d’un acte de cruauté pure et dure, mais plutôt d’un événement déchirant de désespoir. Sejer imaginait une pauvre âme égarée qui se démenait dans une obscurité totale (…) En tout cas, il y a beaucoup de sentiments en jeu. Des sentiments positifs envers elle, de la sympathie. Donc, je suppose qu’il la connaissait. »

En conclusion :

•    L’auteur sème les indices afin de mener le lecteur sur plusieurs pistes aussi plausibles les unes que les autres.
•    Des personnages et une intrigue bien plus complexes qu’il n’y paraît au premier abord.
•    Sous la surface lisse de la vie du village se dissimulent des ombres…
•    Un rythme lent tout au long du roman qui ne s’accélère qu’à la fin quand la résolution du mystère intervient dans les dernières pages.

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Cathie L.
Cathie L.http://legereimaginareperegrinareblog.wordpress.com
Ecrivain de romans historiques, chroniqueuse et blogueuse, passionnée de culture nordique et de littérature policière, thrillers, horreur, etc...
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