Björn LARSSON : Le choix de Martin Brenner

Björn LARSSON : Le choix de Martin Brenner
[amazon asin=2246821576&template=image&title=-]

Présentation Éditeur

À la mort de sa mère Maria, Martin Brenner ressent certes de la douleur mais s’interroge aussi : il ne s’est jamais vraiment senti très proche d’elle. Il procède à la dispersion des cendres en suivant ses dernières volontés, met sa maison en vente, puis il compte reprendre le cours de sa vie, entouré par son épouse Cristina et sa fille Sara. Brenner est généticien et directeur d’un laboratoire, un homme discret et plutôt solitaire. Il s’estime heureux dans la vie.

Mais lorsqu’un avocat l’appelle pour lui annoncer que sa mère était juive et survivante des camps, sa vie prend un tournant imprévu. Petit à petit, les révélations contenues dans une lettre laissée par sa mère et les informations que lui fournissent l’avocat et le rabbin de la ville où il habite le poussent à faire des recherches sur l’identité juive. Il croise ses lectures personnelles sur le sujet avec les recherches en génétique qu’il mène – touchant à la question de l’appartenance religieuse et ethnique, vue par la science. Il décide de n’en parler à personne – pas même à son épouse – avant de parvenir à une décision quant à sa judéité : il refuse l’idée qu’il doive assumer le fait d’être juif seulement parce que sa mère l’avait été. Mais lors d’un colloque scientifique à Montréal, il est pris à parti dans un débat et alors qu’on l’accuse d’antisémitisme, il révèle sa judéité… Le piège s’est renfermé sur lui, et le château de cartes qu’était devenu sa vie s’effondre : sa femme Cristina, ignorant tout de sa réflexion, se sent trahie, puis quand lui et sa fille deviennent la cible d’ignobles attaques antisémites, son épouse le quitte. Il perd son travail, son meilleur ami se détourne de lui, seul le rabbin Golder maintient le contact. Il fait alors appel à un écrivain célèbre et lui demande de raconter son histoire…

Le choix de Martin Brenner nous fait vivre de l’intérieur la descente aux enfers d’un homme aux prises avec la question identitaire. Le roman nous propose ainsi une interrogation sur le libre-arbitre. Comment savoir qui nous voulons être dans notre vie intime et aux yeux de la société ? Comment rester libre dans ce choix ?

Origine Suède
Éditions Grasset
Date 12 novembre 2020
Traduction Hélène HERVIEU
Pages 464
ISBN 9782246821571
Prix 24,00 €

L'avis de Sophie Peugnez

Un sublime texte sur la transmission.

Martin Brenner va apprendre à la mort de sa mère par le notaire que cette dernière ne s’appelait pas Maria mais Gertrud et qu’elle a été dans les camps de concentration, il n’en avait jamais entendu parler de son vivant. La relation entre sa mère et lui avait toujours été compliquée comme s’il y avait un froid, quelque chose qu’il ignorait. Il n’a jamais su véritablement qui était son père. Il va découvrir également qu’il est juif, en tout cas sa mère va lui laisser le choix de la judaïcité. Elle va lui dire qu’elle a vécu des choses terribles pendant la guerre et elle veut qu’il ait la possibilité de choisir d’être juif ou non.

Martin va se retrouver à réfléchir. Il travaille dans la génétique, c’est tout un travail sur le génome. Dans son travail, il y a déjà eu la question d’un gène juif. Donc cet homme va rentrer chez lui et il ne va pas savoir comment aborder ce sujet avec son épouse. Les semaines, les mois vont se passer sans que les mots puissent sortir.

Il a une fille d’une douzaine d’année selon le choix qu’il va faire, cela aura des conséquences pour lui mais pour elle aussi. Il va se mettre à lire énormément, se documenter : qu’est-ce qu’être juif aujourd’hui ? qu’est-ce que la culture juive ? Est-ce que c’est un choix ? Est-ce que c’est quelque chose que l’on porte en soi ?

Il va également rencontrer un rabbin qui était très proche de sa mère. Cela va le secouer car il y a toute une partie de sa vie à elle qu’il ne connaissait pas. Donc des choses qu’elle a fait presque dans son dos et en même temps ses discussions avec le rabbin vont l’amener à réfléchir. Lui qui n’était pas croyant, va-t-il le devenir ? C’est aussi la découverte d’une religion, d’un texte, d’une communauté. Des différents rapports que chacun peut avoir avec la religion.

Björn Larsson va nous emmener dans un texte qui est très immersif, on a l’impression d’être presque l’ombre de Martin Brenner et d’imaginer les conséquences de chaque choix. Il va beaucoup lire Martin Brenner et c’est à travers ça, en tant que lecteur, que l’on va découvrir beaucoup de choses. En tout cas, moi j’ai appris énormément. Il y a une bibliographie très dense à la fin de l’ouvrage si on a envie de poursuivre sa réflexion et d’apprendre.

C’est aussi sur les choix de vie et en lisant ce roman je me suis retrouvée dans le musée juif de Berlin où je suis allée en 2015. C’est un musée qui est prenant par son histoire également par son architecture et sa scénographie car on va descendre, se retrouver à des croisements avec le choix de partir, le « non-choix » celui des camps. Apprendre à avoir le témoignage du passé et en même la réflexion du présent, de l’avenir. Aussi une réflexion sur l’antisémitisme.

La transmission et le secret de famille sont aussi au coeur du récit. A la fois le lien fort qui unit le père et sa fille, l’amour inconditionnel qu’il lui voue. Mais aussi la froideur de sa mère (l’amour maternel n’est pas un automatisme. Des ouvrages évoquent de plus en plus ce sujet) et l’absence du père. Peut-on se construire si on ne connait pas ses racines, l’héritage biologique est-il primordial ?

C’est un roman mais c’est aussi un essai philosophique. Björn Larsson emmène son lecteur, il le guide de chapitre en chapitre. La magie de Björn Larsson c’est d’arriver à traiter des thèmes complètement différents avec un travail avec beaucoup de justesse sur la langue. Il est spécialiste de la linguistique, il est philologue et il va donner un sens précis au mot. Chaque mot a son importance. Je n’ai pas pu lâcher « Le choix de Martin Brenner », je l’ai lu en une seule fois et en même temps l’envie de reprendre des passages, de m’arrêter, de réfléchir.

Le titre en français « Le choix de Martin Brenner ? » rappelle aussi « Le choix de Sophie ». Quel sera le choix de Martin, quelles seront les conséquences dans son existence ? Volontairement il y a des choses que je ne veux pas vous dire sur la structure de ce roman mais qui m’ont bluffées. Björn Larsson a eu une idée de structure qui est très originale notamment quelque chose à partir de la troisième partie. Je veux saluer son travail, son travail d’écriture, son travail d’accompagnement, de réflexion. Aujourd’hui je pense qu’il y a des textes qui sont fondateurs, qui sont importants dans la société pour amener chacun à réfléchir. Il m’a profondément ému. C’est un texte de transmission que je vous invite vivement à découvrir.

Sophie PEUGNEZ
Sophie PEUGNEZ
Co-fondatrice de Zonelivre.fr. Sophie PEUGNEZ est libraire, chroniqueuse littéraire pour le journal "Coté Caen" et modératrice de débat.
Translate »