David Lagercrantz : Série Rekke & Vargas – 1 – Obscuritas

David Lagercrantz - Série Rekke & Vargas - 1 - Obscuritas

Présentation Éditeur

Affaire Jamal Kabir : un arbitre de football est assassiné après un match. Le suspect n° 1, Giuseppe Costa, vient de Husby, un quartier défavorisé de Stockholm. Micaela Vargas, jeune policière ambitieuse mais inexpérimentée, est mise sur l’enquête.

Vargas, pourtant, ne croit pas un instant à la culpabilité de Costa, tout comme Hans Rekke, brillant psychologue consulté sur l’affaire. Alors que la police les écarte, embarrassée par leurs avis discordants, ils décident de poursuivre l’enquête de leur côté. Et de la résoudre, à n’importe quel prix.

Quand l’improbable duo se retrouve face à la CIA et qu’émergent des liens avec les talibans, Vargas et Rekke s’interrogent : Jamal Kabir était-il celui qu’il prétendait être ?

Origine Suède
Titre Obscuritas (2021)
Éditions HarperCollins
Date 5 octobre 2022
Éditions HarperCollins
Date 3 mai 2023
Traduction Rémi Cassaigne
Pages 416
ISBN 9791033914334
Prix 8,50 €
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L'avis de Sophie PEUGNEZ

Dans Obscuritas, David Lagercrantz mêle avec élégance roman d’espionnage à la John le Carré et polar d’investigation dans la veine de Conan Doyle. Derrière le meurtre d’un arbitre afghan en Suède, il orchestre une enquête où l’intuition d’une jeune enquêtrice des quartiers populaires, Micaela Vargas, croise la méthode du brillant professeur Rekke, alter ego contemporain de Sherlock Holmes. Entre différences sociales, langage du corps et zones grises de l’âme humaine, Lagercrantz joue une partition subtile sur fond d’intolérance et d’obscurantisme, tout en esquissant déjà les thèmes chers à son œuvre : l’héritage, la douleur silencieuse, et le mystère des identités.

 

David Lagercrantz joue une partition fine où la symphonie du roman d’espionnage à le Carré s’estompe pour laisser la place à un adagio joué par Conan Doyle.

Un arbitre brillant et possédant une gestuelle très particulière, Jamal Kabir qui avait fuit le régime taliban en Afghanistan, a été tué après un match de foot junior par lapidation en Suède. Pour traiter ce sujet sensible on a fait appel à Michaela Vargas, pas forcément parce que ses supérieurs la trouvent brillante mais la jeune femme de 26 ans détient des informations sur le principal suspect Giuseppe Costa.

Pour avancer dans l’enquête, Martin Falkegren, le plus jeune commissaire divisionnaire du pays, a voulu tester une nouvelle technique d’interrogatoire avec une approche psychologique différente de d’habitude. Tous ses collègues doutent mais lui a décidé de poursuivre dans cette voie en sollicitant le professeur Rekke, spécialiste des techniques d’interrogatoire et qui a aidé la police aux Etats-Unis.

Micaela est issue du quartier de Trondheimsgatan où vit encore sa mère. « Djursholm se situait à l’autre extrémité de la ligne de méto. Les gens d’ici étaient nés avec une cuillère en argent dans la bouche, tandis que chez eux, à Husby, il y avait surtout des éclats d’obus, les décombres de choses brisés au loin » (extrait de la page 27). Cette différence sociale est un thème cher à David Lagercrantz lui qui est né dans une famille aristocratique tout en ayant conscience de la chance qu’il a pu avoir de grandir sereinement. Cette notion de petite cuillère en argent dans la bouche était le point de départ de Millenium Tome 6 où il voulait faire réfléchir le lecteur sur le lien qui pouvait exister entre un homme politique et un SDF (il n’a rencontré son premier SDF qu’à l’âge de 12 ans alors qu’il était à New-York avec ses parents et cela l’a profondément des quartiers.

Le quartier reste viscéralement dans le corps et dans la tête même ceux qui l’ont quitté comme le raconte Zlatan dans « Moi Zlatan Ibrahimović – Mon histoire racontée à David Lagercrantz » « Vous pouvez sortir un gars de Rosengård mais vous ne pouvez jamais faire ressortir de Rosengård de ce gars ». Vargas porte en elle l’histoire de son quartier où des personnes d’origines différentes se côtoient (ses racines)

On pourrait penser que David Lagercrantz a sorti un roman au moment du mondial du foot car il connaît le sujet. Et non, j’adore cette fausse piste. Car alors que l’on était en train d’admirer la gestuelle d’un arbitre et le ballet des jouets, une musique a commencé à nous emporter pour tout autre spectacle.

C’est intéressant, David Lagercrantz nous montre que le langage de ne passe pas forcément par les mots : il y a un véritable échange quand les joueurs se déplacent, les arbitres sont les articulations de ces scènes , les pas de danse sont aussi une forme de langage nul besoin de parler la même langue pour partager un moment lors d’une polka ou une valse, les musiciens se répondent avec un langage qui transcende les siècles et les frontières et le chef d’orchestre est un pilier de ces moments magiques. Moments magiques mais aussi douloureux car obéissant parfois à une hiérarchie, tout le monde n’est pas le premier violon ou le meilleur buteur.

Je n’ai pas pu m’empêcher à la musique magistrale de Jordi Savall en tant que chef d’orchestre ou musicien avec l’envie de faire revivre des instruments anciens et de réunir les nations (on lui doit la musique de tous les matins du monde, Orient-Occident).

On peut te parler de la douleur sans te faire mal. C’était le parti pris de David Lagercrantz dans Millenium, on retrouve cet esprit là dans Obscuritas. L’auteur parle de torture mais sans jamais que le lecteur se sente mal. Il nous fait découvrir des événements de l’histoire contemporaine que je ne connaissais pas. Je n’irais pas plus loin pour ne pas spoiler le roman mais il sait parler intelligemment d’obscurantisme et d’intolérance. Et c’est troublant car on peut avoir une véritable forme d’empathie pour la victime, tout n’est pas noir ou blanc, il y a les zones grises. Comme dans l’équipe de police où tout le monde n’a pas la même sensibilité et la même ouverture d’esprit. On retrouvaille le travail qu’on fait « Sjöwall et « Wählöö » surnommés les fondateurs du roman policier suédois avec leur personnage de Martin Beck et une équipe aux personnalités différentes (racisme pour certains).

C’est très habile car le lecteur pourra retrouver une ambiance à la John Le Carré avec l’univers de l’espionnage. David Lagercrantz connaît très bien le sujet pour avoir écrit un roman très fouillé sur Alan Turing intitulé « Indécence manifeste ». Mais en même nous retrouvons aux origines du roman policier Rekke-Vargas nous évoque Holmes et Watson. Cette filiation est totalement assumée car l’auteur en parle lui même dans le roman.

Vargas se cache derrière sa frange, on ne laisse découvrir que peu à peu. Sans nul doute, David Lagercrantz nous permettre de l’approcher plus dans les prochains tomes. Il aime beaucoup explorer la mythologie des personnages, il avait été notamment passionné par le fait de travailler sur la mythologie de Lisbeth Salanders qui était-elle vraiment, d’où venait sous tatouage.

J’avais l’image de Jeremy Brett jouant du violon et prenant de la drogue qui apparaissait en filigrane dans le texte. David Lagercrantz a un côte David Bowie à la fois dandy et en même mystérieux.

Sophie PEUGNEZ
Sophie PEUGNEZ
Co-fondatrice de Zonelivre.fr. Sophie PEUGNEZ est libraire, chroniqueuse littéraire pour le journal "Coté Caen" et modératrice de débat.
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