Présentation Éditeur
Thorkild Aske enquête cettte fois sur son propre père, en Islande.
L’ex-flic Thorkild Aske est de retour à Stavanger, sur le droit chemin de la réinsertion professionnelle. Sa consommation de médicaments est sous contrôle, un brillant avenir de fabricant de chandelles se profile à l’horizon.
Mais c’est sans compter cette urgence qui l’envoie en Islande avec sa sœur Liz. Après vingt-cinq ans, il revoit son père, Úlfur, un vétéran de la lutte environnementale, qui vient d’être écroué pour meurtre.
Dans des paysages arides plongés dans la grisaille, la visite familiale ne tarde pas à prendre un tour mouvementé…
Origine | ![]() |
Titre | Vi skal ikke våkne, 2019 |
Éditions | Les Arènes |
Date | 3 novembre 2022 |
Éditions | |
Date | 2 novembre 2023 |
Traduction | Céline Romand-Monnier |
Pages | 528 |
ISBN | 9782266321365 |
Prix | 9,00 € |
L'avis de Sophie Peugnez
Thorkil Aske ex-flic qui est en réinsertion professionnelle après avoir fait de la prison est contacté par son père qu’il n’a pu vu depuis des années. Ce dernier lui annonce que « le feu va s’éteindre », qu’il vient d’être emprisonné, accusé d’avoir tué une jeune femme et qu’il aimerait voir son fils avant la fin. Au-même instant c’est sa sœur Liz qui l’appelle : elle a planté une pelle à tarte dans la poitrine de son mari en voulant se défendre suite à un de ses énièmes accès de colère.
Le frère et la sœur se rendent donc en Islande pour se retrouver face à un homme à la fois amoindri physiquement mais qui garde une énergie inébranlable pour sa lutte pour l’environnement.
Arrivés sur place ils sont assaillis par les souvenirs. Enfance pour lui, adolescence pour elle rythmés par les manifestations et surtout par une marche épuisante dans les années 80. Leur père semblait prêt à remuer ciel et terre, à faire tous les sacrifices pour que ces contemporains réfléchissent à leurs actes barbares envers la nature comme canalyser les sources d’eau chaude, des construction qui défigurent et meurtrissent la nature.
Thorkil n’est plus officiellement flic. Son addiction aux médicaments a peut-être altéré sa capacité de jugement. Mais cet être qui semble marcher sur une corde raide entre la vie et la mort possède une force insoupçonnée lorsqu’il s’agit d’arracher sa sœur à un mari trop violent. Et quelle(s) vérité(s) est-il venu chercher en Islande ?
« Nous n’allons pas nous réveiller » d’Heine Bakkeid (publié aux éditions Les Arènes et aux éditions Pocket traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier) est le tome 3 de la série Thorkil Aske, il peut se lire indépendamment des précédents car des informations distillées au début du récit permettent de comprendre pourquoi le héros est dans cet état.
C’est une enquête policière rythmée sur une disparition (et une série de meurtres) mais c’est avant tout pour moi un portrait très intéressant de l’Islande et une véritable réflexion écologique. Jusqu’où l’humain peut aller entre son besoin d’énergie et les impacts que cela peut avoir sur l’environnement ?
Extrait de la page 39 : été 1982. Le Vatnajökulsvegur, discours d’Úlfur.
« Le Vatnajökulsvegur franchit la montagne et relie l’est au sud de l’Islande. Nous allons maintenant emprunter cet itinéraire, le même qu’Árni il y a plus de trois siècles pour déposer notre propre manifeste à l’Allting. » Il tire une feuille pliée de sa poche, la tient devant lui. « Nous allons y plaider la cause des montagnes, expliquer que nous sommes prêts à mettre notre vie en péril pour protéger le cœur de l’Islande de l’industrie lourde, expliquer que nous n’acceptons plus qu’ils confisquent nos fleuves et nos rivières, qu’ils inondent nos marécages, noient nos pâturages. Ce papier… »
Le regard prisonnier du soleil, il agite le document brandi. «… est notre manifeste, notre plaidoyer. Vous ne le savez peut—être pas encore, mais va vous changer, tous. Elle va vous ouvrir les yeux sur ce pour quoi nous luttons réellement, ce que nous essayons de protéger et de conserver. »
Le lecteur est embarqué dans cette marche, il parcourt à son tour la plus grande calotte glaciaire d’Islande. Et sera-t-il également séduit par le discours d’Úlfur, cet homme habité par son projet et par son discours. Il y avait certainement des zones d’ombres dans les événements qui ont eu lieu dans les années 80 impactant la construction mentale de Thorkill et de sa sœur Liz. Ce roman est aussi une véritable réflexion sur le combat écologique et même sur l’éco-terrorisme (thème qu’avait aussi évoqué le norvégien Gert Nygårdshaug dans sa série Le Zoo de Mengele). Des descriptions très détaillées des paysages qui permettent de s’immerger totalement dans les lieux.
Le style est facile d’accès. Thorkill Aske est un personnage à la fois dans la lignée des romans policiers norvégiens, on pense évidemment à Harry Hole de Jo Nesbø et à Varg Veum de Gunnar Staalesen (avec une addiction, un côté dépressif) mais il y a un autre aspect très moderne dans l’approche d’Heine Bakkeid, Thorkill Aske est un anti-héros à la « Docteur House » avec une forme d’humour très particulière. Cela donne une véritable singularité au texte. Notamment dans cet opus il évoque beaucoup la violence faite aux femmes via Liz. Or l’écriture permet de réfléchir à cette thématique sans non plus être dans un récit trop sombre.
C’est aussi un récit très juste, pudique et fort sur les derniers instants que l’on passe avec un parent (un grand-parent). Doit-on, peut-on, tout pardonner ? Sur l’acception de laisser de partir un être cher. Et sur tous les souvenirs (même les plus enfouis) qui remontent à ce moment là.