Interview de Théo FOUERE, étudiant

Sophie PEUGNEZ : Bonjour Théo Fouéré. Vous êtes étudiant en langues nordiques à l’université de Caen. Pouvez-vous nous présenter votre cursus ? Vous êtes combien en cours ? Comment avez-vous découvert ce cursus ?

Théo FOUERE : Le parcours études nordiques a pour cadre la filière LLCER (Littérature, Langues et Civilisations Étrangères et Régionales). Ce cursus, comme son intitulé l’indique, permet d’apprendre une langue principale, une seconde langue, la littérature et la civilisation des pays nordiques puis des options sont proposées par l’université. On peut choisir en première langue le finnois, le danois, le norvégien et depuis cette année l’islandais.

Nous sommes une quinzaine d’étudiants en troisième année de licence, on observe toutefois une hausse des effectifs chaque année. Environ quarante personnes étudient en première année de licence une langue nordique comme langue principale à l’université de Caen cette année, et le nombre d’étudiants et d’étudiantes choisissant une de ces langues en option croît également.

J’ai eu connaissance de ce cursus au lycée, mais ai souhaité m’orienter vers le droit en première année d’études supérieures, avant d’arrêter au bout de quelques mois. J’ai ensuite décidé de m’orienter vers les études nordiques. Je n’ai pas eu de découverte « romantique » des études nordiques : ce parcours m’intéressait mais surtout je ne savais pas quoi faire d’autre. Pourtant, j’estime aujourd’hui que je n’aurais pas pu faire un meilleur choix d’orientation en études supérieures.

SP : Quelle(s) est (sont) les disciplines que vous préférez ?

TF : Difficile à dire. À choisir, la civilisation. Cette matière possède une définition plus large que l’histoire – selon moi. Elle peut mêler la sociologie, les sciences politiques, la géographie, la géopolitique, l’histoire, la musique et bien d’autres domaines. J’ai compris dès le début de ma licence que les sociétés – j’insiste sur le pluriel – des pays nordiques à travers les âges et particulièrement l’époque contemporaine m’intéressaient. Je conçois mon projet d’avenir en fonction de ce thème principal. Je remarque par ailleurs que les cours qui nous sont dispensés sont très liés. Un cours de civilisation fera appel à un autre, idem pour la littérature, voire parfois ces deux matières feront appel à l’une ou à l’autre.

SP : À quand remonte votre passion pour les langues nordiques ?

TF : Avant que cela ne soit une passion, il a été question d’envie.

Ma rencontre avec les langues nordiques s’est faite au lycée, où j’ai commencé à étudier le suédois dès la seconde avec une enseignante qui mêlait dans son enseignement la langue suédoise et la société de ce pays, en raison de sa formation en sociologie – je crois comprendre en répondant à cette question que c’est parce qu’elle liait les deux que je ne conçois pas l’un sans l’autre, de là doit venir mon intérêt particulier pour les sociétés nordiques. J’ai arrêté d’étudier cette langue après le lycée pendant un an, avant de reprendre en débutant ma licence. Alors la passion est venue. L’idée d’apprendre une nouvelle langue, d’en connaître les ressorts, la grammaire, en la liant à ce pays qui m’intéresse tant qu’est la Suède – langue et société vont de pair selon moi – continue d’être la source de motivation principale pour moi dans ce cursus. Et ouvre continuellement de nouveaux centres d’intérêts.

SP : Lesquelles pratiquez-vous et pourquoi avez-vous choisi celles-ci ?

TF : Ma langue principale est le suédois, j’étudie également l’islandais, qui était obligatoire lorsque je me suis inscrit en licence si l’on étudiait une langue scandinave (danois, norvégien, suédois). L’islandais est d’une grande importance si l’on veut en savoir plus sur les origines des langues scandinaves, mais je n’en dirai pas trop par peur d’énoncer des erreurs – je ne m’y connais pas beaucoup en linguistique. Le choix du suédois s’est fait naturellement : j’avais certaines bases et avais assisté à certains cours en auditeur libre. Je pense ne pas m’être posé la question en m’inscrivant dans ce parcours du choix de la première langue. Aujourd’hui, j’aimerais apprendre le danois, je pense essayer par moi-même prochainement.

Université de Caen

SP : Savez-vous déjà la profession que vous voulez exercer ?

TF : Non. Je ne sais même pas encore vers quel master je souhaite me diriger. Je pense rester en études nordiques, je suis intéressé par l’enseignement et la recherche mais j’ai avant tout l’intention d’aller vivre quelques temps en Suède. Il y a tellement de moyens de mobilité aujourd’hui : Erasmus, les Services Volontaires Européens, les bourses, le wwoofing et j’en passe… Je pense qu’y partir influencera mes choix d’avenir, entre autres professionnels.

SP : Vous êtes vous déjà rendu dans un pays nordique ?

TF : À Copenhague avec ma famille quand j’étais au collège. Je garde un très bon souvenir de cette ville, que j’aimerais revisiter. Puis j’ai été en Suède par le biais du lycée, via un échange avec un établissement de Piteå, une petite commune au Nord. Je repense régulièrement à ce voyage, j’aimerais retourner plus longtemps dans cette partie du pays. Un matin, au réveil, un renne était dans le jardin enneigé. N’en ayant jamais vu physiquement auparavant, j’aurais dû être étonné, vouloir le prendre en photo. Mais j’ai compris que cela faisait partie de la vie quotidienne et de l’espace. Ce seul souvenir suffit à me donner envie d’y retourner. En juillet dernier, j’ai pu suivre des cours d’été dans une Folkhögskola, que l’on traduit en francais par « université populaire ». C’est très ancré dans les pays nordiques, cette institution est danoise à l’origine. J’étais au centre de la Suède, et ai suivi pendant trois semaines des cours en langue principalement, ainsi qu’en littérature et en civilisation. J’avais bénéficié d’une bourse via l’Institut Suédois. Puis j’ai vagabondé une semaine à Stockholm, ville magnifique dont je pourrais parler des heures.

SP : Avez-vous envie de vous installer dans un de ces pays ?

TF : Temporairement oui. J’ai vingt ans, l’idée d’être contraint de rester dans un espace sans pouvoir le quitter quand j’en ai envie m’angoisse. Je souhaite profiter de la mobilité qui nous est offerte aujourd’hui, dont je parlais précédemment. Puis plus tard la question de mon installation quelque part viendra, il y a beaucoup de choses à expérimenter et à construire avant.

SP : À Caen, le Festival Les Boréales consacré aux cultures nordiques célèbre sa 26 ème année. Avez-vous déjà participé à des concerts, des rencontres littéraires, des expos ou autres ? (il y a t-t-il un événement qui vous a marqué, où vous avez eu le sentiment de vivre un rêve éveillé ?)

TF : Je n’y avais jamais participé avant de commencer les études nordiques. Depuis, j’ai assisté à plusieurs conférences, spectacles et rencontres, autour de la littérature ou de sujets de société. Je me souviens des deux fois où j’ai vu la compagnie Cirkus Cirkör. Leur spectacle Limits l’an dernier particulièrement. J’avais été le voir une première fois mais un incident avait interrompu la représentation. Cela avait éveillé une petite appréhension en moi à l’idée de la voir, elle avait été repoussée. Finalement, j’avais été émerveillé, ému par Limits, qui mélangeait audace, réflexion et engageait chacun et chacune à essayer de trouver une place dans ce monde qui, trop souvent, nous effraie et où nous ressentons une impuissance totale. Cette année les Boréales semblent vouloir proposer plus d’expositions autour de la photographie, je pense que c’est une très bonne chose, en grand amateur de cet art. Je me permets juste de dire une chose : cet échange avec les pays nordiques se fait aussi en-dehors des Boréales. Toute l’année ont lieu des rencontres, des conférences (à la MRSH par exemple), des expositions (je pense à Fritz Thaulow sur lequel une exposition avait été faite durant l’été 2016) qui touchent au monde nordique, j’encourage vivement les gens intéressés à y aller.

SP : Préparez-vous avec d’autres étudiants un projet ou une manifestation pour l’année en cours ?

TF : Je suis un cours avec Nicolas Escach, professeur à Sciences Po qui a accepté de donner un cours à l’université. Il souhaite que nous organisions avec les étudiants et étudiantes de Sciences Po une rencontre autour d’un film puis que nous ayons des échanges, afin de se rencontrer. C’est un peu plus clos qu’une conférence par exemple, mais cela permettrait dans un premier temps que l’on se rencontre entre étudiants et étudiantes. Bien que de nombreuses personnes étudient autour de l’espace nordique à Caen, les échanges entre nous sont encore à développer. Pourtant il existe une énergie qui potentiellement pourrait aboutir à de beaux projets.

Jon Kalman STEFANSSON - Chronique familiale - 02 - A la mesure de univers

SP : Quels sont vos auteurs cultes ?

Jim Harrison et Romain Gary hors des pays nordiques, si je devais vraiment choisir. Parmi les auteurs nordiques : Vilhelm Moberg, Jón Kalman Stefansson (je n’ai lu qu’un roman de lui, mais son écriture relève du génie selon moi) et j’ai lu pour la première fois des pièces d’August Strindberg il y a peu, je suis très séduit par son écriture.

SP : Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui a envie ou qui hésite à suivre le même cursus que vous ?

TF : Ne pas se laisser influencer par certaines personnes extérieures qui, trop souvent, ne verront aucun intérêt ou aucuns débouchés à ces études. Il y aura toujours de la place pour celles et ceux qui aiment les pays nordiques, des choses à étudier, des réflexions à mener sur des sujets très divers de l’ordre de l’histoire, des langues, de la géographie, des mythes… Mais quelques pré requis existent, de ce que j’ai pu observer. Aimer la littérature, s’intéresser aux civilisations et à l’histoire de ces pays, mener des réflexions constantes en-dehors des cours sur certains sujets. Peut-être que cela vaut pour tous les cursus cela dit.

SP : Un petit mot (une citation,  une expression) en langue nordique pour conclure cet entretien.

TF : Ha det bra !

SP : Un grand merci à vous

Jérome PEUGNEZ
Jérome PEUGNEZ
Co-fondateur de Zonelivre.fr. Il est le rédacteur en chef et le webmaster du site.
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