Présentation Éditeur
Lorsque son ami d’enfance Magnus l’invite au cirque, le quotidien d’un homme solitaire et maniaque est sur le point de basculer. Pendant un tour de magie, Magnus disparaît pour ne plus jamais réapparaître. Le narrateur innommé se retrouve alors malgré lui lancé dans une quête absurde mais non sans profondeur où ses propres démons l’attendent au tournant.
Origine | |
Titre | Cirkus (2017) |
Éditions | Actes Sud |
Date | 2 novembre 2022 |
Traduction | Rémi Cassaigne |
Pages | 192 |
ISBN | 9782330171940 |
Prix | 20,00 € |
L'avis de Sophie PEUGNEZ
Où est passé Magnus Gabrielsson ? Son complice de longue date s’inquiète, ils ont assisté à un spectacle au cirque et depuis Magnus est introuvable. Est-ce lié au numéro auquel il a participé ?
Son vieux copain est en train de classer ses disques (et il ne peut s’empêcher de penser à Magnus). Une passion qui l’habite depuis longtemps et qui a permis de construire leur relation. Même si leurs débuts ont été chaotique : chacun dans une des écoles de la ville avec une rivalité entre les deux (les plus « intelligents » dans l’une, des « péquenots » dans l’autre…). Magnus a tout au long de scolarité était rejeté par les autres à cause de son allure (certains diraient son odeur), souffre douleur idéal. Magnus semble se terrer chez lui, il ne veut pas répondre aux appels sur son téléphone fixe (il n’a pas de portable, un autre de leur point commun), la ligne sonne sans cesse occupée. Est-ce sa silhouette aperçue sous la pluie ? Les rôles se sont-ils inversés ? Magnus a-t-il de nouveaux goûts ? A-t-il tenté de se suicider, de disparaître ?
Le cirque du suédois Jonas Karlsson publié aux éditions Actes Sud (traduction Rémi Cassaigne) est un texte magnifique et touchant. On tremble presque pour Magnus, en ayant en même temps la sensation qu’il nous fuit. Car la narration à la première personne transforme le lecteur en acteur du livre. Le sentiment de s’incarner dans cet homme fou de musique (maniaque ou juste habité par sa passion) qui vit certainement un tournant important de sa vie. Les amitiés quasi-fraternelles qui peuvent s’effondrer du jour au lendemain sans que l’on ait vu (ou voulu) voir les signes annonciateurs. L’invitation de Magnus au cirque était-elle un dernier moment partagé ? La situation qu’a vécu Magnus reste très actuelle : le harcèlement scolaire et ses cicatrices (physiques et psychologiques) qu’il peut laisser.
En même temps beaucoup de tendresse dans ce récit : j’adore les passages où les compilations sont faites sur des cassettes, la concentration et le sérieux qu’il met pour les réaliser. Souvenir ému d’avoir son premier discman. Se sentir maitre du monde, maitre de ses émotions, lorsque le son sortait des écouteurs en mousse orange. Pouvoir écouter de la musique, tout en parcourant la ville (les plus jeunes lecteurs ne comprendront certainement cette émotion, ils sont nés avec la mobilité). Mais j’avoue j’ai fusionné avec notre héros lorsqu’il décrit la fierté de porter son baladeur à l’école et le regard des autres. Toute une période de transmission et de rapport physique avec la musique (complètement différent du rapport avec la musique dématérialisée actuelle où tout est accessible facilement). Le toucher, la collection qui se vit pleinement avec les vinyles.
Un récit proche parfois du roman noir. Court mais une véritable intensité. La psychologie des personnages est habilement décrite. Un art de la mise en scène. L’écriture est riche, belle. J’ai encore la tête qui fourmille d’images plusieurs jours après la lecture. Sensations auditives également avec la véritable playliste qui ponctue l’histoire, j’ai envie de la lire une nouvelle fois tout en écoutant tous les morceaux. J’ai eu le sentiment d’être au côté du narrateur pour chercher Magnus, en ayant presque la boule en ventre, en étant impatiente, tout en craignant presque le moment où la vérité jaillirait. Et…
Je ne vous en dis pas plus sauf que Le cirque est un gros coup de cœur.