- Éditions Points le 8 janvier 2009
- Traduit par Frédéric Durand
- Pages : 288
- ISBN : 9782757812006
- Prix : 7,10 €
PRÉSENTATION ÉDITEUR
Divorcé, chômeur, Jonas accepte un poste d’instituteur dans un petit port perdu au nord de l’Islande. Il espère y mener une vie paisible, loin des hommes, mais la réalité s’avère un peu plus lugubre. Sourires hypocrites, intimidations, menaces, tentatives de meurtre… Dans le brouillard islandais, ce lieu supposé être un havre de paix ressemble furieusement à un traquenard !
Ólafur Haukur Símonarson est né en 1947, à Reykjavík. Figure centrale du théâtre islandais, il est également auteur de romans et de livres pour enfants. Le Cadavre dans la voiture rouge a reçu le prix de littérature nordique 1997 à l’occasion des » Boréales « .
NOTRE AVIS
Olafur Haukur Simonarson, né en 1947 à Reykjavik, est un auteur islandais. De 1965 à 1970, il étudie le design, la littérature et le théâtre à Copenhague. Après un séjour d’un an à Strasbourg, il revient dans sa patrie afin de réaliser des films documentaires pour la télévision, sur la vie de ses concitoyens.
Depuis 1976, il se consacre à son activité d’écrivain très diverse: des livres pour enfants, des comédies musicales grâce auxquelles il a connu le succès, des scénari pour la télévision et des romans qui sont pour lui l’occasion de disséquer la société islandaise et de critiquer les idéaux auxquels sa génération, y compris lui-même, avait cru. De 1980 à 1982, il a dirigé le Théâtre du Peuple de Reykjavik.
Le roman
Le cadavre dans la voiture rouge, Likid i rauda bilnum dans la version originale parus en 1986, a été publié par les Presses Universitaires de Caen la même année, puis réédité par les Editions Points en 1997, dans la collection Roman noir. C’est le seul roman policier de l’auteur. Le récit, écrit à la première personne, se déroule très lentement, détaillant les actions et pensées du personnage principal dans sa vie quotidienne : « Je restai longtemps à mariner dans mon bain, mais le frisson ne voulait pas me lâcher. Peut-être était-ce l’effet de la gueule de bois, ou encore celui de l’inquiétude, ou peut-être les deux à la fois. Il était deux heures bien sonnées quand je descendis l’escalier. Devant la boîte aux lettres, je rencontrai ma voisine…Mon courrier s’était entassé. J’ouvris ma boîte aux lettres pour faire un tri. Je jetai à la corbeille les journaux qui constituaient le gros du paquet. » (Page 12)… ;
… Comme dans les scènes d’action : « J’attaquai le couloir à glace, puis me hissai à la force des poignets dans l’entonnoir. De là, le tapis roulant m’ouvrait la voie à l’intérieur d u bâtiment…Ma lampe de poche me permit de m’orienter sans hésitation. Je suivis le tapis roulant sur une cinquantaine de mètres et, là, je découvris quelques portes bardées d’énormes ferrures. » (Page 228).
Les traits d’humour qui émaillent les débuts du roman : « Le brouillard! s’exclama-t-il. Dans le coin, nous n’appelons pas ça du brouillard. C’est une belle journée d’été, mon garçon. Ce n’est que quand il faut faire marcher deux hommes devant la voiture qu’on peut parler de brouillard. » (Page 21) s’estompent au fur et à mesure que l’histoire devient plus sombre et beaucoup moins cocasse!
L’intrigue
Jonas, journaliste à ses heures, divorcé, chômeur, au bout du rouleau se voit contraint d’accepter un poste d’instituteur dans un petit port du nord de l’Islande, bien qu’il n’ait jamais enseigné. Au moins, pense-t-il, il aura du temps pour lire et il pourra enfin échapper à l’hypocrisie de la capitale!!
Pourtant, malgré les promesses de son cousin, les choses ne s’engagent pas aussi bien qu’il l’aurait espéré : le logement promis n’étant plus disponible, Jonas devra habiter chez son directeur, homme peu sympathique, en tout cas aux yeux de Jonas, passablement amer au vu de la tournure des événements. A moins qu’il loue l’appartement proposé par Maria, la prof de dessin…
Mais Jonas ne va pas tarder à découvrir que la vie à la campagne est bien moins paisible qu’il ne l’avait supposé. Maria lui révèle qu’Halldor, son prédécesseur, n’est pas parti à Copenhague, comme tout le monde semble le croire, mais qu’il a été assassiné par Bjorn, son frère. Que croire ? Que faire ? Où est Halldor ? Pourquoi est-il parti brusquement, en laissant toutes ses affaires ? Et que penser des naufrages, des incendies à répétition, de la mort du mari de Maria et de sa mère ? Jonas décide de mener une discrète enquête sans réaliser qu’il s’engage sur une route emplie de périls…
Les lieux
Comme souvent chez les auteurs scandinaves, et particulièrement les romanciers islandais, le décor constitue un élément important du récit :
« Le car se traînait sur une route étroite, boueuse, bordée par la paroi abrupte de la montagne. Le brouillard noyait les contours du paysage et, faute de repères, renforçait l’impression que le car était en train de chuter dans un vide sans fin… Je clignai des yeux et collai mon visage à la vitre maculée de boue pour regarder au dehors. Le parapet d’un pont vétuste défila devant moi. Au-dessous dévalait un torrent bouillonnant. » (Page 19).
Litla-Sand, petit village de pêcheurs édifié sur les dépôts de sable entre la mer et les laves échappées du glacier formant deux langues en forme de fer à cheval, séparée en deux par un torrent qui serpentait au fond d’une profonde ravine avant d’atteindre la grève. « Côté ouest, on avait édifié une très longue digue renforcée par un enrochement, et c’est là que venaient accoster les bateaux de gros tonnage. Au bout de la digue était le phare. Les maisons étaient disposées au tour du port ou s’étageaient le long du torrent. » (Page 31). => Voilà le décor peu accueillant dans lequel débarque Jonas plein d’espoir.
Ambiance : bientôt, Jonas se rendra compte qu’ici comme ailleurs les rapports de pouvoir entre les individus sont la base de la vie du village. « Les gens sont où ils doivent être, répond l’homme, flegmatique. Les hommes en mer, les femmes à l’entrepôt frigorifique et les lardons à l’école. Ceux qui ne travaillent pas ce sont les malades qui sont au lit ou les morts qui sont au cimetière. » Tout est dit !!
Le fait est que l’état d’esprit qui règne dans le village ne va certainement pas le rassurer: Bjorn et ses amis détiennent « la majorité dans toutes les administrations, tous les conseils et toutes les commissions de la région…Ils se vautrent dans le satin et dans la pourpre, tandis que les petits gens vendent des lampes et des ampoules électriques dans les ténèbres du désert. » (Pages 99-100).Le fait que les perspectives d’avenir pour les jeunes du village se bornent au pont d’un navire de pêche ou au carrelage de l’entrepôt frigorifique rend inutile de les envoyer à l’école plus que nécessaire. Ils deviendront ainsi des hommes plus faciles à manipuler.
La vie de Litla-Sand est rythmée par les rancunes et les querelles. Ici, c’est la richesse » qui fait la loi. Il était évident que ceux qui possédaient les moyens de production décidaient et régentaient tout. Habituellement, cela se faisait avec un large sourire, ou cela entraînait une hostilité ouverte. L’emprise de Bjorn et de sa clique sur la ville était aveugle. Mais tout aussi aveugles étaient la jalousie et la haine de certains qui étaient toujours prêts à lui nuire à la première occasion. » (Pages 161-162).
En conclusion
Le cadavre dans la voiture rouge, unique roman policier d’Olafur Haukur Simonarson, est un roman bien plus noir qu’il n’y parait, passant au crible d’une plume acérée la société islandaise, dénonçant ses défaillances, ses défectuosités qui ont nourri les rancœurs de ceux qui ont cru que, sur cette île sculptée par ses glaciers, une vie moins conventionnelle, plus authentique serait possible. Ici, l’enquête policière sert de prétexte à l’analyse sociologique. Ce qui ne le rend pas moins intéressant, ni moins captivant, bien au contraire…Et nous donne l’occasion de découvrir des paysages fabuleux !!