Steve SEM-SANDBERG : Les élus

Steve SEM-SANDBERG - elus-

Présentation Éditeur

« Maintenant, Julius a les ciseaux. Pourtant la douleur est toujours là. Schwester Mutsch aussi est toujours là. Elle se penche vers lui et lui crache à la figure, puis elle étale la salive sur les lèvres et les paupières fermées du garçon. Espèce d’ordure. Tu n’as aucun droit de vivre. Soit on t’enferme chez les fous, soit le docteur te fait une piqûre. Et voilà que la paire de ciseaux ne se trouve plus dans sa main. Elle flotte dans la lumière bleutée, au milieu des lits et des tables de chevet. Alors il brandit haut l’instrument et l’enfonce dans sa poitrine. Enfin, le silence se fait. Même la lumière bleutée semble s’être éteinte. Puis elle revient. Et avec elle l’insoutenable douleur. »

En 1941, à Vienne, l’hôpital du Spiegelgrund a été transformé par les nazis en un centre pour enfants handicapés et jeunes délinquants. Jour après jour, Adrian, Hannes et Julius, pensionnaires de la maison de redressement, tentent d’exorciser l’horreur. Dans un époustouflant ballet de voix tour à tour intérieures et extérieures, ils racontent l’enfer qu’ils vivent et la mort qui les guette au pavillon 15, ou l’on extermine les « indésirables ».

Prix Médicis étranger 2016

Origine Suède
Éditions Robert Laffont
Date 18 août 2016
Éditions 10/18
Date 17 août 2017
Traduction Johanna CHATELLARD-SCHAPIRA, Emmanuel CURTIL
Pages 624
ISBN 9782264070975
Prix 9,60 €

L'avis de Hélène B.

La littérature et le cinéma regorgent d’œuvres sur la seconde guerre mondiale. On y retrouve les grandes batailles comme le débarquement, la bataille de Dunkerque ou de Pearl Harbor, les dures et effroyables réalités des camps de concentration, ou encore les évènements marquant comme la rafle du Vel d’hiv etc. Le lecteur et le spectateur disposent d’une mine d’informations et de sources pour affiner leurs connaissances et les compléter.

Le devoir de mémoire, également important dans ces œuvres, permet de ne pas oublier, de rendre hommage et de sensibiliser les jeunes générations au danger des extrêmes. Les élus de Sam-Sandberg est un roman choc qui vous retourne les tripes du début à la fin ; il traite d’un lieu qui, à ma connaissance, est plutôt méconnu du grand public. C’est pourquoi, je remercie l’auteur des élus en particulier et tous ces auteurs en général qui font un formidable travail de recherche historique pour mettre à jour certains aspects de l’Histoire parfois enfouis, oubliés voire tabous.

L’hôpital psychiatrique de Vienne en Autriche « le Steinhof » développe pendant la seconde guerre mondiale une aile appelée Spiegelgrund, destinée aux enfants dits dégénérés, ou issus de classes sociales défavorisées. Ces enfants présentent des malformations physiques, des problèmes mentaux, psychologiques ou des comportements asociaux. L’auteur raconte selon différents points de vue la vie au spiegelgrund. Certaines parties sont plus centrées sur les enfants et d’autres davantage sur les infirmières nommées « schwester » ou les médecins. C’est avec effroi qu’on découvre le terrible destin d’Adrian et de ses camarades. Ces pauvres enfants ne sont ni soignés ni entretenus comme cela est promis aux parents auxquels on a parfois arraché ces enfants. Ces enfants sont l’objet d’expériences et de maltraitances. Le Spiegelgrund est un laboratoire et la concrétisation de l’eugénisme voulu par Hitler et le régime nazi. Les enfants sont séparés selon leur handicap, les irrécupérables ne survivront pas.

L’horreur se dessine de chapitre en chapitre, les mauvais traitements comme le bain glacé ou les injections de soufre ne peuvent laisser personne indifférent. On découvre avec stupéfaction que le Spiegelgrund n’est ni plus ni moins qu’un centre d’euthanasie et d’épuration.

Le roman se poursuit au-delà de la guerre, et nous apprenons que certains médecins ou infirmières continueront d‘exercer en toute impunité. La plupart d’entre eux diront qu’ils obéissaient aux ordres d’une hiérarchie, qu’ils ne savaient pas certaines choses ou qu’ils pensaient faire au mieux…

Les élus, ce roman est extrêmement bien documenté, il se base sur des témoignages réels d’enfants qui ont « réussi » à réinsérer la société après la guerre. La qualité de l’écriture est indéniable, l’intensité dramatique y est présente, les détails historiques bien présentés. L’auteur nous promène dans le Steinhof sans jamais nous y perdre, les personnages sont forts, le mélange fiction et réalité réalisé avec brio. On s’attache rapidement à ces enfants privés de tout : d’amour, d’affection et d’humanité. Le lecteur devient le témoin des maltraitances psychiques et physiques infligées à ces pauvres petits êtres sans défense. L’auteur nous invite à devenir passeurs de témoin : Lisez, sachez et transmettez. Enfin, ce roman réhabilite ces enfants assassinés par des hommes et des femmes au nom d’une idéologie des plus abjectes.

Au moins 770 enfants sont morts dans le pavillon 15 du Steinhof. Les restes de ces malheureux enfants avaient été conservés dans des bocaux à des fins scientifiques. Dans les années 2000, ces enfants purent enfin recevoir une sépulture. Heinrich Gross, un des médecins, fut jugé en 2000 à l’âge de 84 ans alors qu’il avait mené une carrière médicale en toute légalité.

Hélène B.
Hélène B.http://helene14.canalblog.com
Lectrice qui voyage des grands classiques au roman policier en passant par les auteurs russes et nordiques que j'affectionne particulièrement.
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