Présentation Éditeur
« Comment doivent être les relations entre les gens, quelles règles suivre ? »
« D’une grande subtilité, la langue de Vigdis Hjorth se tient au plus près des infinies variations d’une vie intérieure. » (L’Express)
Origine | |
Éditions | Les Belles Lettres |
Date | 12 avril 2018 |
Traduction | Hélène Hervieu |
Pages | 216 |
ISBN | 9782251447995 |
Prix | 23,00 € |
L'avis de Sophie PEUGNEZ
Fresque nationale ou portrait intimiste ?
Alma brode, Alma brode tout le temps. Des bannières pour les fanfares et les associations. Mais aussi des commandes plus importantes : des tapisseries véritables fresques représentant le via dans son ancien lycée, la Constitution norvégienne.
Lorsqu’elle est avec ses fils, ses aiguilles et ses tissus elle est comme habitée. Et plus elle avance dans l’oeuvre, plus elle est dans une forme de transe qui la déconnecte du réel. Quelle importance la vaisselle sale, les sacs poubelles et même sa propre apparence.
Pour subvenir à ses besoins et être certaine d’avoir une rentrée d’argent régulière, elle loue l’appartement qui est accolé à sa maison. Elle enfreint ses propres règles lorsqu’elle accepte une famille polonaise à côté de chez elle sans dépôt de garantie et qui s’installe dans la durée.
Est-elle un véritable démiurge qui sait donner vie à des personnages et à des scènes dans ses tapisseries, à toucher ensuite les spectateurs ? Est-elle une des Parques romaines (ou des Nornes de la mythologie nordique) qui coupe le fil du destin des individus ? Ou-t-elle l’incarnation du chaos pouvant englober dans sa destruction les sentiments de son amoureux et les ressentis de ses propres enfants (ses parents à elle n’étant jamais invoqué il me semble alors qu’elle revoit parfois des souvenirs d’enfance mais qui sont plus des saveurs, des paysages) ? A l’heure de se regarder dans le miroir de faire une introspection que verra-t-elle ?
« Une maison en Norvège » de Vigdis Hjorth publié aux éditions Belles Lettres est un texte à la fois très fin et très puissant. Il commence avec des codes typiquement norvégiens comme une description très détaillée de la maison avec la dépendance, de la nature qui l’entoure. Puis on avance rapidement et subtilement dans les rapports humains avec un pays qui n’aime pas les conflits ouverts. Et sous une apparence de contrôle et de bienveillance liée à forte tradition protestante, les individus peuvent se laisser envahir par la colère. L’auteur nous dévoile à la fois une peinture de l’intime mais également un portrait du pays et de ses actions dans le monde.
Un texte qui joue à la fois sur les apparences mais sur le fait de se mettre à nu. Comme un vêtement en toile de lin à la fois quasi primitif, rude et doux à la fois. Un récit sans concession. Les couronnes de fleurs, les jupons des costumes folkloriques tombent un à un sur le sol pour faire place à une vérité peut-être plus difficile à accepter mais qui permettra à l’héroïne de voir qui elle est vraiment.
Que l’on manie les aiguilles ou les stylos, je pense que le travail est le même. La norvégienne Vigdis Hjorth nous propose une tapisserie, une fresque de ses contemporains forte, troublante et très intelligente. A moins que l’on prenne la tapisserie, qu’on la roule en boule dans un coin pour laisser juste place à un tableau : un portrait (ou auto-portrait ?) précis, sans fioriture avec ses effets d’ombre et de lumière.
Il y a des textes qui sont de véritables rencontres, qui vous marquent. « Une maison norvégienne » est un véritable coup de coeur. Les images des costumes de floklore norvégiens et polonais m’évoquent des souvenirs intenses. La symbolique des broderies sur les costumes, les motifs polonais… lorsque l’art est également une forme de langage qui traverse les siècles. Le séjour d’Alma à Tunis, ville qui compte dans mon histoire personnelle. Et j’ai grandi à Bayeux avec sa tapisserie qui a enrichi mon imaginaire d’enfant. J’ai l’impression d’avoir déjà rencontré Vigdis Hjorth, d’avoir échangé des choses importantes avec elle. Et je suis très heureuse d’avoir l’occasion d’échanger à l’occasion du Festival Les Boréales en novembre 2021 (Auditorium Musée des Beaux-Arts à Caen en Normandie le dimanche 21 novembre à 15h30. Entrée libre dans la limite des places disponibles).
« Une maison en Norvège ». Roman passionnant ou oeuvre psychanalytique ? Les deux à la fois !