Arnaldur INDRIDASON : Enquête d’Erlendur – Tome 12 – Le duel

Arnaldur Indridason comble son lecteur par une intrigue subtile, une enquête finement menée en pleine guerre

Arnaldur INDRIDASON - Enquete Erlendur – Tome 10 – Le duel

Présentation Éditeur

Pendant l’été 1972, Reykjavík est envahi par les touristes venus assister au championnat du monde d’échecs qui oppose l’Américain Fischer et le Russe Spassky. L’Américain se conduit comme un enfant capricieux et a de multiples exigences, le Russe est accueilli en triomphe par le parti communiste islandais, le tout sur fond de guerre froide.

Au même moment un jeune homme sans histoire est poignardé dans une salle de cinéma, le magnétophone dont il ne se séparait jamais a disparu. L’atmosphère de la ville est tendue, électrique. Le commissaire Marion Briem est chargé de l’enquête au cours de laquelle certains éléments vont faire ressurgir son enfance marquée par la tuberculose, les séjours en sanatorium et la violence de certains traitements de cette maladie, endémique à l’époque dans tout le pays.

L’affaire tourne au roman d’espionnage et Marion, personnage complexe et ambigu, futur mentor d’Erlendur, est bien décidé à trouver le sens du duel entre la vie et la mort qui se joue là.

Un nouveau roman d’Indridason qu’il est difficile de lâcher tant l’ambiance, l’épaisseur des personnages, la qualité d’écriture et l’intrigue sont prenantes.

Biographie et bibliographie d’Arnaldur INDRIDASON

Origine Islande
Titre
Einvígið (2011)
Éditions Métailié
Date 5 février 2014
Éditions Points
Date 6 mai 2015
Traduction Eric Boury
Pages 408
ISBN 9782757852101
Prix 8,90 €
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L'avis de Sophie PEUGNEZ

Chaque coup peut avoir des conséquences…

Le plaisir du jeune Ragnar c’est de s’installer dans les salles de cinéma et d’enregistrer les bandes-sons. Des moments qu’il aime vivre seul. Tout le monde le connait parmi les membres du personnel du cinéma et la stupéfaction totale lorsqu’on le retrouve poignardé à la fin d’une séance.

Pour les forces de police pas facile d’avancer avec les maigres indices et surtout le flot d’étrangers venus assistés au duel d’échec entre l’américain Fischer et le Russe Spassky. C’est le commissaire Marion qui mène les investigations. Des événements concernant son histoire familiale troublent son quotidien : sa demi-soeur lui rappelle que leur père va bientôt mourir or il ne l’a jamais reconnu… Mais le plus important : tous les souvenirs des séjours dans des établissements de soin contre la tuberculose, des rencontres avec d’autres enfants qui ont été empotés par la maladie, remontent à la surface.

Son adjoint Albert veut également s’investir dans l’enquête mais Marion ne lui dit pas tout. Il y a des parts d’ombre et de mystère chez le (ou la ? ) commissaire. Les jours avancent, les enquêteurs poussent leurs idées comme des pièces d’échec or l’enjeu est crucial. La tension augmente car des répercutions politiques au niveau mondial pourraient découler des faits qui se déroulent à Reykjavik durant cet été 1972.

Ce nouveau roman d’Arnaldur est vraiment intéressant à plusieurs niveaux. Il y a dans un premier temps cette immersion dans un événement symbolique majeur : la confrontation entre deux grands joueurs d’échecs qui a vraiment eu lieu telle que dépeinte dans le livre. Véritable confrontation entre le bloc Est/Ouest avec des médias tous en haleine comme si pendant quelques jours Reykjavik était devenu le centre du monde. Sans en révéler trop sur l’intrigue : l’espionnage, les échanges entre les « partisans » des deux blocs sont habilement retranscrits. La guerre froide a déjà évolué mais tout n’est pas résolu loin de là, à chacun de choisir son camp…

Dans un second temps c’est l’immersion dans la vie du commissaire Marion. Personnage très troublant, rien que par son prénom : homme ou femme. Et l’on peut observer un superbe travail d’écriture (et de traduction), il est impossible de savoir le sexe de ce personnage. Son histoire est très touchante. Son combat contre la tuberculose, ses séjours dans les différents instituts et les enfants rencontrés. Des portraits toujours réalistes, approfondis, je pense que c’est une des forces de cet auteur.

Il y a un thème que l’on retrouve dans d’autres ouvrages de son oeuvre : le rapport entre le héros et son passé, notamment les relations avec le père ou la figure du père. L’adulte avance mais avec de nombreuses images qui refont surface (comme dans Etranges rivages). Ce sont des récits d’Indridason que j’aime tout particulièrement.

« Le duel » montre les biens les qualités d’un très bon roman : le fond (ce duel d’échec qui a vraiment eu lieu), la forme (une maitrise de l’écriture toujours au rendez-vous), le rythme et des personnages très aboutis.

Ce texte peut être lu comme un tome 0 dans les enquêtes d’Erlendur car Marion est le mentor du personnage principal d’Indridason, il n’est pas présent dans ce roman quoique…

Bonne lecture.

Vous aviez peut-être renoncé à lire cet auteur car vous aviez trouvé « La Cité des jarres » très sombre, voir déprimant (ce qui est mon cas, je l’avoue), je vous invite vraiment à tenter une nouvelle approche car je trouve qu’il y a beaucoup plus d’espoir et de « lumière » dans ses derniers écrits.

L'avis de Marie H.

Le titre du dernier roman d’Arnaldur Indridason fait référence au championnat d’échec qui eut à Reykjavik en 1972 et opposa l’américain Fischer et le russe Spassky. Alors que se déroulait cette compétition, le jeune cinéphile Ragnar est poignardé dans une salle de cinéma et son magnétophone avec lequel il enregistrait les dialogues des films a disparu. La commissaire Marion Briem, futur mentor d’Erlindur est chargé de l’enquête. Ce dernier apparaîtra d’ailleurs dans la dernière page : le livre se clôt sur sa première rencontre avec Marion.

Tout comme Erlindur, Marion est un personnage complexe. En de subtils allers-retours, Indridason retrace la jeunesse de la commissaire alors atteinte de tuberculose. L’auteur ne réécrit pas le chef-d’œuvre de Mann La Montagne Magique mais rappelle que l’Islande n’échappa pas aux ravages causés par la tuberculose et combien la médecine de l’époque étaient impuissante, à soigner ce mal. Alors que la jeune Marion se faisait soigner dans un sanatorium, elle voit des enfants mourir et d’autres subir d’abominables opérations, voire barbares, aux douleurs innommables :

« ….elle avait vu le spectacle le plus triste que ses yeux aient contemplé de leur vie. Une femme remettait, non sans mal, son chemisier après avoir été examinée. Elle ne parvenait pas à attraper l’une des manches et personne n’était là pour l’aider (…) n’avait sur son buste dénudé que le soutien-gorge taillé sur mesure qui lui couvrait les seins. Katrin avait fixé sans le vouloir ce corps difforme et cette énorme cicatrice laissée par l’opération. Elle avait vu l’un des côtés du torse complètement enfoncé et cette épaule qui partait du cou, tel un cintre vide. » p.213

C’est aussi avec pudeur que le livre d’Indridason raconte le duel de Marion avec la maladie qui failli l’emporter mais qui forgea son caractère et fit d’elle une forte femme, trop dure peut-être pour certains de ces collaborateurs.

Alors que l’enquête progresse, le livre bascule dans le roman espionnage en faisant revivre le duel est/ouest, du temps de la guerre froide. L’Islande était alors une base américaine. Le jeune Ragnar est-il mort parce qu’il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment ? Son magnétophone dont il ne se séparait jamais avait-il enregistré une conversation entre espions russes et américains, très nombreux en raison du championnat d’échec ? Quel secret risquait-il de dévoiler ?

Indridason comble son lecteur par une intrigue subtile, une enquête finement menée en pleine guerre froide par des personnages qui ne cessent d’être abandonnés.

Sophie PEUGNEZ
Sophie PEUGNEZ
Co-fondatrice de Zonelivre.fr. Sophie PEUGNEZ est libraire, chroniqueuse littéraire pour le journal "Coté Caen" et modératrice de débat.
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