Camilla LÄCKBERG : Série Erica Falck et Patrik Hedström – 8 – La faiseuse d’anges

Camilla LACKBERG : Les aventures d’Erica FALCK – Tome 8 - La faiseuse d'anges

Présentation Éditeur

Pâques 1974. Sur l’île de Valö, aux abords de Fjällbacka, une famille disparaît sans laisser de traces. La table de dîner est soigneusement dressée, mais tous se sont volatilisée, à l’exception de la fillette d’un an et demi, Ebba. Sont-ils victimes d’un crime ou sont-ils partis de leur plein gré ? L’énigme ne sera jamais résolue. Des années plus tard, Ebba revient sur l’île et s’installe dans la maison familiale avec son mari. Les vieux secrets de la propriété ne vont pas tarder à ressurgir…

Camilla LACKBERG : Sa biographie et sa bibliographie

Origine Suède
Titre Änglamakerskan, 2011
Éditions Actes Sud
Date 4 juin 2014
Éditions Babel 
Date 11 mars 2017 
Traduction Lena GRUMBACH et Shani GRUMBACH
Pages 512
ISBN 9782330075330
Prix 10,40 €
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L'avis de Sophie PEUGNEZ

Et la victime deviendra bourreau…

Ebba et son mari sont de retour sur l’île de Valö (à côté de Fjällbacka) où la jeune femme a vécu toute sa petite enfance avant que sa famille ne volatilise en une nuit à Pâques en 1974. C’était à l’époque un pensionnat, il a été transformé en colonie de vacances, abandonné et maintenant ce lieu offre de belles perceptives de gites pour ce couple qui doit surmonter le deuil de leur enfant.

Fjällbacka 1908. Dagmar est petite quand les gendarmes viennent chercher Mère et Père. Cette dernière est surnommé La Faiseuse d’anges. Le monde de Dagmar s’écroule, elle sait que sa mère l’aimait mais ses parents sont guillotinés. Elle va être placée dans une famille d’accueil et elle ne sera plus que la fille… On murmura sur son passage. Elle deviendra presque une bête de foire. Elle n’est qu’une domestique jusqu’au jour où elle croise la route d’un bel officier allemand…

Sur l’île, notre jeune couple tente de faire face à la masse de travail qui les attend même s’il existe une tension pratiquement palpable entre eux. Ebba ne supporte plus le contact physique avec son mari. Son échappatoire est de fabriquer des bijoux : de petits anges en argent. Et comme s’ils n’étaient pas assez meurtris, on va mettre le feu à leur habitation pendant la nuit.

Le policier Patrik Hedström est appelé sur les lieux. Il devra tout faire pour empêcher son épouse Erica de mettre les pieds là-bas. Même si cela fait des années que l’histoire de cette famille l’obsède. Elle a réunit de nombreux documents et elle n’a envie que d’une chose : s’entretenir avec Ebba. Quitte à s’attirer les foudres de son mari. Elle n’a toujours envie de se cantonner au rôle de maman qui veille sur sa progéniture et qui écrit quand elle peut. Le métier de policier passe-t-il vraiment avant celui-ci d’écrivain ?

Famille de coeur ou famille biologique ? Quels que soient les liens qui unissent les individus tout n’est pas toujours simple dans l’existence et il est possible que des fêlures empêchent certains d’avancer, ils se sont peut-être déjà trop éloignés sans s’en rendre compte. Certains secrets de familles ne devraient-ils pas plutôt rester au fond d’une vieille malle ?

J’avoue il y a souvent dans les romans de Camilla LACKBERG un aspect très « girly ». L’auteur nous entraine dans les petites choses du quotidien de ses personnages, on les voit grandir, évoluer. Mais j’assume totalement le plaisir de m’y plonger comme dans une série TV que l’on suit depuis des années, car oui, j’ai envie de savoir « qui est tombé amoureux ? qui se sépare ? » On sent que Camilla puise dans son quotidien alors que dans cet opus Erica semble fatiguée par moment que le métier de son mari policier passe avant celui d’écrivain. Il n’est pas impossible qu’elle est voulu faire passer un message avec une pointe d’humour. Trois enfants c’est le bonheur, mais un bonheur tumultueux et pas toujours de tout repos…

Mais derrière cet aspect léger se dissimule une dimension psychologique très forte. Il y a un vrai travail de recherche et d’analyse sur la transmission. On parle aujourd’hui de « psycho-généalogie » notamment concernant les comportements qui se transmettent parfois de manière inconsciente de génération en génération. C’est d’autant plus flagrant dans les relations mère-fille. La violence physique mais peut-être encore plus la violence psychologique fait de l’enfant victime un adulte bourreau (ce n’est heureusement pas le cas à chaque fois mais ce « phénomène » existe. Car tant que la « pathologie » n’est pas identifiée, la chaine continue et des traumas se transmettent de génération en génération. Même s’ils peuvent muter. Je peux hélas pas développer mes propos car je n’ai pas envie de vous « spoiler » le récit. J’ai envie que vous puissiez aller de surprise en surprise tout comme moi au fil des pages.

Le thème de la filiation est cher à Camilla LACKBERG, on le retrouve pratiquement dans tous ses romans. L’adoption a notamment une part importante dans plusieurs de ses récits. Ebba a notamment des liens très forts avec ses parents de coeur, elle n’a jamais cherché à savoir ce qui était arrivé à ses parents biologiques. Annika qui travaille au commissariat a eu également une petite fille grâce à l’adoption internationale. La parentalité est vraiment un thème très fort : on découvre un Gösta fragilisé par le fait de ne pas avoir vu d’enfant grandir et devenir adulte dans sa maison, il y a eu cet enfant perdu puis la petite Ebba qui a séjourné un peu chez lui. Mais le silence entoure les souvenirs.

Camilla LACKBERG défend ses valeurs dans ses textes, notamment le bonheur pour tous : l’homoparentalité de Paula et le bonheur de cette dernière. Elle forme avec sa compagne un couple unie, elles vont être mamans pour la seconde fois.

Le combat de l’auteur pour la tolérance se prolonge dans la dimension politique. Dans « L’enfant allemand », elle avait déjà évoqué les liens entre la Suède et son passé pendant la seconde guerre mondiale. Elle montre qu’elle existe encore malheureusement des mouvements néo-nazis et quels sont leurs plans pour propager leurs idées nauséabondes. Sous leurs aspects sympathiques et plus ouverts, certains notables (et autres individus) ont des relents de nazisme. Il ne faut gratter beaucoup pour voir cette sombre apparence.

J’ai particulièrement aimé La faiseuse d’anges. J’ai eu l’impression de lire plusieurs romans en un seul. A la fois, véritable moment de détente et en même temps outil de réflexion. J’aime que Camilla LACKBERG profite de sa notoriété pour faire passer des messages forts. Un hymne à la tolérance. Au fait que l’on peut avoir plusieurs vies dans une vie. Que l’on a le droit de croire; d’aller de l’avant car l’existence ne fait que des cadeaux. Ce tome montre une fois de plus plusieurs aspects de l’existence : des petits moments presque futiles mais bons, de grands bouleversements et le fait que certains partiront même si on n’est pas encore prêt et que l’on ne le sera jamais pas ce type d’événement (maladie, deuil…).

Pour finir sur une note plus gaie, soulignons que Camilla LACKBERG met en avant que la reconstruction est possible que ce soit des vieux bâtiments ou des individus, il faut juste savoir prendre son temps et être bien accompagné.

Sophie PEUGNEZ
Sophie PEUGNEZ
Co-fondatrice de Zonelivre.fr. Sophie PEUGNEZ est libraire, chroniqueuse littéraire pour le journal "Coté Caen" et modératrice de débat.
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