Interview de l’auteur et journaliste Olivier TRUC

olivier trucOlivier Truc est journaliste depuis 1986, il vit à Stockholm depuis 1994 où il est le correspondant du Monde et du Point, après avoir travaillé à Libération.

Spécialiste des pays baltes, il est aussi documentariste pour la radio et la télévision.

Bonjour Olivier Truc, pouvez-vous nous décrire en quelques mots votre parcours ?

Je suis originaire du sud de la France, j’ai grandi en région parisienne et je suis retourné dans le sud à Montpellier quand j’ai commencé à travailler comme journaliste. J’ai croisé la route d’une Suédoise, je suis monté voir là-haut à quoi ça ressemblait, ignorant tout de ce grand nord que je continue à explorer depuis une vingtaine d’années.

Vous êtes auteur mais également journaliste. Comment vous est venue l’envie de passer de la rédaction d’articles et de reportages à celle d’un roman ? Le travail d’écriture est-il le même ?

L’envie d’écrire long, que j’avais depuis longtemps, même si ce n’était au départ pas nécessairement avec l’idée de roman. L’envie de retrouver des personnages, des situations et des histoires croisées et fantasmées au cours de ces nombreux voyages.

Le travail est différent bien sûr. Après 25 ans de journalisme où le fait est sacré et vous mène par le bout du nez, j’ai découvert la liberté de jouer avec les citations, de manipuler les descriptions de lieu, de chambouler les chronologies, de voir les personnages m’obéir presque tout le temps.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait exercer votre profession de journaliste ?

Etre sacrément motivé, n’en faire qu’à sa tête, ne pas écouter les conseils des briseurs de rêves, des cyniques qui pullulent dans ce métier, être prêt à partir là où les autres ne vont pas, bosser, bosser, bosser, aller sur le terrain, prendre le temps d’écouter les gens. C’est un bon début.

Comment arrivez-vous à gérer vos différentes activités ? Et quel est votre modus operandi d’écriture.

Cela dépend des périodes et des demandes des journaux, principalement Le Monde. Pour l’instant, la priorité va toujours au journal. Quand je travaille le synopsis, je travaille encore de façon chaotique car c’est un processus haché et bancal qui nécessite des retours en arrière, des hésitations, des creux. Quant à l’écrire elle-même, je tente de me discipliner en me dégageant des périodes de plusieurs semaines où je m’impose des objectifs quotidiens d’écriture, seule façon pour moi d’avancer. Et je le dis à mon entourage, pour m’obliger à avancer. C’est horrible, mais pour moi, ça marche! Quant à la fin ,j’essaye d’en avoir une idée plus ou moins précise. Pour le dernier Lapon, je l’avais en grande partie écrite, y compris les éléments de dialogue, en démarrant l’écriture.

Quelle est la genèse de votre roman « Le dernier Lapon » (Editions Métailié) ?

Elle démarre autour d’une bière dans un bar de Tromso, dans le grand nord norvégien. Je rencontrais un historien et politicien lapon pour un article que je faisais pour Libération. Il m’a le premier parlé de cette police des rennes. Des années plus tard, je suis allé faire un reportage sur cette brigade pour une série d’été dans Libération. Puis un producteur parisien m’a demandé si je ne voulais pas en faire un documentaire. C’est aussi devenu un 52’ diffusé sur France 5. Je me suis retrouvé avec une matière très riche. Et de fil en aiguille, le dernier Lapon est né.

Le parcours a-t-il été long et difficile entre l’écriture de votre livre et sa parution ? Comment s’est passée votre rencontre avec les éditions Métailié ?

L’écriture a été trop longue à mon goût car j’ai un travail prenant à côté. Mais quand j’ai fini par me décider à venir à bout du manuscrit, je me suis isolé durant plusieurs périodes consacrées à l’écriture, et là, ça allait plutôt vite. J’ai eu la chance d’être soutenu par des agents littéraires très engagés et la rencontre avec les éditions Métailié a été un coup de coeur pour moi, non seulement parce qu’Anne-Marie Métailié est une éditrice avec un tempérament de feu et un enthousiasme irrésistible mais parce que toute son équipe est très impliquée.

Les personnages de Klemet et Nina sont-ils inspirés de personnages que vous avez croisé pendant vos recherches ou lors de votre travail ? Avez-vous rencontré La Police des Rennes ?

Klemet et Nina sont des personnages qui m’ont été inspirés en partie par des gens que j’ai croisé au fil des ans, dans la police des rennes ou ailleurs, même s’ils sont quitté cette brigade depuis longtemps. J’ai passé de nombreuses semaines à vivre avec eux, à les suivre en patrouille par tous les temps, en scooter des neiges pendant plusieurs semaines, par grand froid en hiver ou dans la boue en automne, à dormir dans les mêmes abris qu’eux, à partager leurs repas et leurs pauses, et parfois leurs confidences.

Il y a des sujets très profonds dans votre roman notamment la conservation de la culture sami (ou lapone) ? Pensez-vous qu’elle va perdurer ou est-elle en train de s’effriter au profit du développement économique ? Les deux sont-ils compatibles ?

La culture sami est menacée car la langue sami est de moins en moins parlée et parce qu’elle assimilée pour une grande part au monde du renne, or l’élevage du renne tel qu’on le connait aujourd’hui est lui aussi menacé par le développement des industries et par le réchauffement climatique. Face à ces menaces, les aides dont bénéficient les Sami pèsent finalement assez peu.

« Le dernier Lapon » évoque également la présence toujours menaçante de l’extrême droite dans les pays nordiques. Avez-vous le sentiment que cette (/ces) mouvance(s) soit croissante ?

J’ai eu l’occasion de mesurer l’impact réel de l’extrême droite dans ces pays depuis longtemps, en Norvège notamment avec les attentats commis par Breivik et en Suède par exemple avec l’entrée au parlement d’une extrême-droite issue du néo-nazisme et qui considère de fait les Sami comme des gêneurs qui revendiquent à tort des droits spécifiques au prétexte, selon l’extrême-droite, qu’il auraient été là avant. Le racisme anti-sami est régulièrement utilisé par l’extrême-droite, il suffit de lire les quotidiens régionaux du grand nord dans ces pays.

Vous vivez depuis 1994 à Stockholm où vous êtes correspondant du Monde et du Point. Quand est née cette passion pour les pays nordiques ? Il y a t-il d’autres pays où vous aimeriez être correspondant ?

Je n’avais aucune envie de partir dans ces pays-là dont j’ignorais tout. Et puis j’ai croisé une Suédoise. C’était en 1992. A cette époque, j’envisageais de m’installer au Liban. Cela reste un pays qui m’est très cher. J’ai récemment découvert le Brésil qui m’a beaucoup séduit.

Quels sont vos projets littéraires ?

D’autres polars polaires suivront. Certains avec Klemet et Nina. J’ai des projets de thrillers dans d’autres régions également, Europe du Nord mais ailleurs aussi. J’ai des dizaines de carnets de reportages remplis de personnages, d’idées, qui m’ont donné envie d’explorer certains univers. J’ai aussi des idées de livres de reportages.

Quel est votre premier souvenir de lecture ?

ça pourrait bien être des petits livrets de catéchisme sur la vie de Jésus. A moins que je confonde avec Oui Oui?

Quels sont vos livres cultes ?

Des livres cultes, je ne pense pas en avoir, car d’une façon générale je suis rétif à la vénération.

Avez-vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma) ? En dehors de vos métiers, avez-vous une autre facette cachée ?

La musique ne me passionne pas (je ne pratique pas) mais elle me fascine quand un compositeur est capable de vous transporter dans un monde qui vous prend aux tripes en 4 minutes.

J’ai sûrement des facettes cachées, et elles le resteront.

Avez-vous un site internet ou un blog où les lecteurs peuvent laisser un message ?

J’y travaille.

Merci à Olivier TRUC de nous avoir accordé cette interview. Retrouvez la chronique de son livre ici : Le dernier lapon

Sophie PEUGNEZ
Sophie PEUGNEZ
Co-fondatrice de Zonelivre.fr. Sophie PEUGNEZ est libraire, chroniqueuse littéraire pour le journal "Coté Caen" et modératrice de débat.
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