Présentation Éditeur
Arora vit en Angleterre et sa sœur Isafold en Islande, elles sont très différentes et ont des relations compliquées. Isafold disparaît et leur mère, ne faisant pas la différence entre enquêtrice financière et enquêtrice policière, supplie Arora d’aller chercher sa sœur.
Arora ne peut pas s’empêcher de pratiquer ce qu’elle fait de mieux, démasquer les fraudeurs et les faire payer. Elle va donc profiter de ce voyage pour examiner de près certains investissements financiers douteux, et analyser la corruption islandaise tout en testant ses capacités de séduction sur deux hommes.
Elle découvrira surtout la violence domestique à laquelle était soumise Isafold et qu’elle niait farouchement subir ; au cours des témoignages qu’elle reçoit, elle voit évoluer les nuances de ses sentiments pour sa sœur. En même temps, des personnages inquiétants émergent peu à peu.
Nous suivons son enquête au fil des détails qu’elle nous donne sur les façons de vivre et de se parler, et par ce travail de dentelière elle nous fait entrer dans un monde plus complexe que ce dont il a l’air.
L'avis de Cathie L.
Froid comme l’Enfer, Helköld Sol dans la version originale parue en 2019, traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaun, a été publié par les éditions Métailié en 2022. L’écriture de l’auteur est sobre, agréable à lire, le récit se développant au rythme des chapitres courts, voire très courts, chacun abordant l’intrigue du point de vue de l’un des protagonistes. Cette façon de procéder permet d’entretenir le suspense tout en permettant au lecteur de pénétrer plus profondément dans l’histoire, de s’y impliquer en quelque sorte.
« Désormais, elle voyait son esprit se diviser nettement en deux, comme s’il était composé de deux pièces séparées. L’une d’entre elles accueillait sa mère et sa sœur, la première rongée d’inquiétude, la seconde cachée quelque part, fuyant ses ennuis. Sans pouvoir le contrôler, Aurora sentit une soudaine colère jaillir en elle. Colère qui exploserait sans doute lorsqu’elle aurait retrouvé Isafold, car au-delà de cette angoisse latente qui ne la quittait plus, sa conscience lui disait que sa sœur avait probablement cherché refuge chez une connaissance, ou dans un hôtel méditerranéen, où elle pansait les plaies de sa séparation avec Björn sans avoir eu la présence d’esprit d’avertir qui que ce soit. » (Page 75).
Fil rouge : les us et coutumes islandais en opposition avec la vie que mène Aurora en Angleterre; sa façon de se démarquer, empreinte toutefois d’une certaine nostalgie :
« C’était tellement islandais, de toujours vivre dans la précipitation, de toujours tout faire à la dernière minute…Voilà l’une des choses qui lui avaient manqué de l’Islande, enfant, après que sa famille s’était installée en Angleterre. Ces matins d’été porteurs d’une promesse. » (Page 56)…
« Selon la coutume islandaise, Aurora retira ses chaussures dans l’entrée et suivit l’homme dans le salon, envahie par des réminiscences de son enfance, lorsqu’elle rendait visite à ses proches au pays. » (Page 61).
Aurora Jonsdottir, installée en Angleterre où elle exerce le métier de détective privé spécialisé dans le recouvrement de fonds, se dit que parfois elle aurait aimé être fille unique. Ne pas être la cadette d’Isafold, plus belle, plus intelligente, qui accomplie. Isafold qui, depuis deux semaines, ne répond à aucun message, ni par téléphone, ni sur FB où, contrairement à son habitude, elle n’a rien publié depuis justement deux semaines.
Mais pour rassurer sa mère qui frôle l’hystérie tant l’inquiétude la mine, elle accepte de prendre l’avion jusqu’en Islande, persuadée que ce sera l’affaire de deux jours. Le temps de retrouver la fugueuse. Qui, apparemment, a enfin quitté son mari violent. Mais pourquoi n’en a-t-elle pas informé sa famille ? Pourquoi les laisser se ronger les sangs ? Et surtout, où se cache-t-elle ?
Comment Aurora pourrait-elle faire comprendre à sa mère que son métier consiste à démasquer les fraudeurs et les faire payer, et non à retrouver les personnes disparues. Ses investigations la menant dans une impasse, elle reprend contact avec son oncle par alliance Daniel, inspecteur de police, qui accepte de la conseiller et de l’aider dans ses recherches.
Mais les indices collectés sont bien maigres. Aucune piste ne semble émerger. Plus les jours passent, plus l’inquiétude fait son nid et les taraude. Aurora, sur la piste d’un ancien milliardaire qu’elle soupçonne d’avoir planqué ses biens à l’étranger après la banqueroute de son entreprise, commence à vraiment prendre peur. Et si quelque chose était arrivé à Isafold ? Si les rayons du soleil de minuit qui règne sans partage sur l’île de Glace dissimulait des personnages inquiétants prêts à tout pour protéger leurs secrets ?
Avec Froid comme l’Enfer, Lilja Sigurdardottir signe un roman noir dans lequel elle décortique la société islandaise de son point de vue ambivalent et aiguisé de native qui vit une partie de l’année à l’étranger. Roman baigné par la lumière omniprésente du soleil d’été qui ne se couche pratiquement jamais, laissant des zones d’ombre d’autant plus sombres et inquiétantes. Dans lesquelles se dissimulent cadavres et secrets. A l’abri des regards indiscrets…
Un roman bien construit qui nous mène jusqu’à sa conclusion en abordant des thèmes aussi dramatiques que les violences conjugales, le sort des réfugiés politiques, les disparitions inquiétantes (ce dernier thème revient souvent dans les polars islandais). Un roman humain aussi, dans lequel Aurora, nouveau personnage de Lilja Sigurdardottir, femme indépendante financièrement, qui mène sa vie comme elle l’entend, douée dans son domaine professionnel, redevient l’adolescente invisible qui supporte le poids de sa rivalité avec sa sœur aînée, sœur qui refuse d’admettre les violences qu’elle subit. Dont la vie est le pivot est celui de leur mère. Duo dans lequel Aurora n’a de place que pour lui venir en aide. Un roman qui ne vous laissera ni indifférent, ni sur votre faim…